Daniel Ichbiah
Beatles de A à Z est un grand dictionnaire autour des Beatles, qui répond à de nombreuses questions que pourraient se poser les fans des Fab Four.
L'introduction de Beatles de A à Z consiste en une brève histoire des Beatles, qui est reproduite ici. Ce que j'ai avant tout tenté de faire ressortir, c'est la brieveté de la carrière du groupe. L'essentiel de leurs chefs d'oeuvres immortels a été réalisé durant une période de 5 ans. 5 ans pas plus !... A mon sens, il n'existe aucun cas similaire dans l'Histoire de la musique. Plusieurs facteurs ont joué en parallèle :
Aurons-nous un jour de nouveaux Beatles ? La question est ouverte, mais elle nécessiterait là encore la conjonction de plusieurs facteurs tels que ceux-ci...
Si courte et pourtant si riche… La carrière des Beatles paraît stupéfiante lorsque l'on la regarde avec le recul des années. Il ne leur a fallu que quelques mois pour connaître une popularité comme aucun groupe n'en avait jamais eu en Grande Bretagne, puis aux Etats-Unis et dans le reste du monde. À partir de là, les productions se sont enchaînées, qu'il s'agisse de disques ou de films. L'aventure s'est terminée huit ans plus tard, une durée courte par comparaison avec des groupes tels que Genesis, U2 ou les Rolling Stones.
La production musicale des Beatles s'est étalée entre l'audition du 6 juin 1962 qui a convaincu George Martin de les prendre sous contrat et la séance du 4 janvier 1970, date à laquelle ont été apportées les touches finales à l'album Let it be. Entre ces deux dates, le groupe a bâti une œuvre d'une incroyable richesse au niveau mélodique, instrumentale et aussi sur le plan de l'innovation. Il est courant d'entendre que la matrice des trente années qui ont suivi a été gravées sur les albums et singles publiés en 1962 et 1970.
Plus étonnant encore est le fait que les œuvres majeures ont été créées sur une période plus resserrée encore, entre le milieu de 1965 et le milieu de l'année 1969, soit une durée de quatre ans environ. Les cinq albums essentiels du groupe, Rubber Soul, Revolver, Sgt Pepper's, White Album et Abbey Road et la plupart des singles mythiques (Hey Jude, Yesterday, All you need is love, Strawberry Fields Forever…) sont apparus sur cette période relativement brève. Une telle créativité sur un temps aussi court n'a pas été égalée depuis.
Pour prendre la mesure d'un tel impact, il peut être bon de consulter la liste des 500 meilleurs albums de tous les temps édictée par le magazine Rolling Stone en 2003.
Les 5 albums précités figurent tous dans le Top 15.
Un phénomène unique dans l'histoire de la musique…
Lorsque les Beatles sont présentés en 1962 à George Martin par leur manager, Brian Epstein, ils sont déjà devenus, à force de centaines de concerts des héros dans leur ville natale, Liverpool. Ils ont fait leurs armes à Hambourg, se produisant huit heures d'affilée dans des conditions particulièrement dures. Les Beatles sont donc habitués à séduire un public. Mais comment pourraient-ils imaginer l'ampleur que va connaître leur popularité quelques mois après la sortie de Love me do ? Dès la fin de 1962 et sur toute l'année qui suit, l'Angleterre vibre au son de la Beatlemania, et la télévision retransmet les images de foules en furie, composées pour la plupart d'adolescentes qui dès l'apparition des quatre garçons hurlent à s'époumoner. Avec des singles tels que She loves you puis I want to hold your hand, 1963 assoit leur triomphe du Royaume Uni.
Lorsqu'un reporter britannique demande le 10 décembre 1963 à George ce qu'il compte faire lorsque " tout cela sera terminé, ", le guitariste se hasarde à croire que cela " devrait durer encore au moins deux ans ".
À cette époque, les Beatles ignorent encore qu'ils vont demeurer indétrônables jusqu'à leur séparation en 1970. De fait, ils n'ont encore rien vu…
En janvier 1964, un an après leurs débuts, les Beatles ont déjà vendu 6 millions de disques et leur réputation commence à franchir les frontières de l'Angleterre. I want to hold your hand est entré directement à la première place des charts d'Australie. Mais il reste à séduire la plus grande population anglo-saxonne, de l'autre côté de l'Atlantique. Le zélé Brian Epstein veille au grain : la conquête de l'Amérique est au programme… Juste avant de franchir l'Atlantique, les 4 garçons honorent un contrat qu'ils ont passé bien avant d'être devenus aussi énormes. Ils se produisent donc durant deux semaines à l'Olympia de Paris, faisant suite à la chanteuse Sylvie Vartan, qui a le plus grand mal à assurer sa prestation. Surpris, les Beatles découvrent une audience composée principalement de garçons qui s'abstiennent de crier durant leurs chansons.
Ils débarquent à New York en février, alors que leurs disques ont déjà commencé à conquérir les charts américains. La Beatlemania commence à toucher les Etats-Unis et les foules de teenagers se bousculent déjà sur leur passage. Mais ce n'est qu'un début. À la faveur de trois passages au Ed Sullivan Show, le groupe est vu par 73 millions de spectateurs. Une star de la boxe telle que Cassius Clay (Mohammed Ali) insiste pour les rencontrer. Dès lors, l'Amérique les adopte les Beatles et ce sera le pays de leur gloire absolue, avec une suite interrompue de records.
Le 4 avril 1964, les Beatles réalisent un record inégalé à ce jour : ils classent 12 morceaux dans le Top 40 américain, et vont jusqu'à monopoliser les 5 premières places avec Can't buy me love, Twist and shout, She loves you, I want to hold your hand et Please please me.
La plupart des pays du monde succombent tour à tour. Lorsqu'ils débarquent en Australie le 12 juin, temporairement accompagnés du batteur Jimmy Nicol - Ringo vient d'être hospitalisé pour une affection aux amygdales - l'un des journalistes présents à la conférence de presse explique qu'il a jamais vu un tel battage auparavant :
" je me souviens du lancement de Frank Sinatra et d'Elvis Presley, mais ce que je vois aujourd'hui demeure sans précédent ".
John Lennon remarque pour sa part qu'il n'a jamais vu autant de grand-mères alignées - le public australien est en effet plus diversifié qu'en Angleterre !
Malgré un tel palmarès, les Beatles conservent en permanence une inquiétude quant à la suite.
" Chaque fois que nous sortons un disque, " explique Paul en avril 1965, " nous sommes réellement terrifiés à l'idée qu'il pourrait ne pas plaire. Honnêtement. "
John ajoute alors :
" C'est plus difficile pour nous que pour d'autres car nous devons maintenir le niveau obtenu auparavant. Si nous ne faisons pas aussi bien, les gens vous démolissent. Même si vous faites mieux que les autres, si ce n'est pas aussi bien que ce que vous avez fait auparavant, cela peut barder pour vous. "
Le 15 août 1965, ils donnent au Shea Stadium de New York le plus grand concert de l'histoire du rock devant 56 000 spectateurs. Au Japon, le 30 juin 1966, ils passent devant 30 000 fans au Budokan, un lieu jusqu'alors réservé aux combats de sumos, mais en réalité, les organisateurs du spectacles ont reçu 209 000 demandes de tickets. Après leur décision fin août 1966 de ne plus donner de concerts, Sid Bernstein leur propose en vain un million de dollars pour jouer de nouveau au Shea Stadium fin 1967.
Très vite, il est apparu que ce groupe là était différent des stars que l'on avait pu connaître auparavant car à la différence d'Elvis Presley ou Cliff Richard ces garçons ont fait quelques études ce qui inclut les beaux arts pour l'un d'entre eux, John Lennon. Ce dernier publie deux livres d'écrits surréalistes qui lui confèrent une aura et amènent un autre regard sur le groupe.
Il apparaît également que les Beatles ont des opinions sur l'état du monde et qu'ils les expriment, notamment contre le racisme ou la bombe atomique. Comme le déclare John à propos de la guerre du Vietnam en 1966 :
"Nous y pensons tous les jours, nous ne sommes pas d'accord avec et nous pensons que c'est une mauvaise chose. Nous n'aimons pas cela. "
Lennon le déplore par ailleurs, mais semble s'y être accoutumé : les médias, particulièrement aux débuts du groupe, se plaisent à colporter toutes sortes de rumeurs infondées à leur égard. Régulièrement, ils apportent un démenti face à de telles inventions que John qualifie de " timbrées ". Ainsi, l'un des bruits que certains journaux rapportent en 1964 concerne Liverpool, leur ville natale, où apparemment " plus personne ne les aimait ". Paul a commenté sur ce sujet le 22 août à Vancouver :
" Nous avions fini par y croire, car nous lisons les journaux, comme tout le monde. Et lorsque nous sommes allés là-bas, nous avons eu un droit au meilleur accueil que nous ayons jamais eu ! Donc, pour moi, toutes ces rumeurs ont perdu leur crédibilité. "
Au niveau personnel, les Beatles révolutionnent les relations avec les médias en faisant preuve par delà leur penchant pour l'ironie, d'une honnêteté et d'une sincérité complète, au risque d'en essuyer les revers comme lorsque John déclare sans y réfléchir davantage que les Beatles sont devenus plus populaires que Jesus Christ, déclenchant malgré lui des autodafés dans le sud réactionnaire des Etats-Unis. Paul va connaître les mêmes déboires après avoir avoué à un journaliste qu'il a pris du LSD.
Comme il s'en explique le 19 juin 1967 sur la télévision britannique :
" un journal m'a posé une question et j'ai juste décidé de lui dire la vérité. Si ce n'était que moi, je n'en aurais parlé à personne. Je n'essaie pas de passer le mot concernant cela. Si le journaliste a voulu répandre cette information, c'est sa responsabilité, pas la mienne. "
Par la suite, McCartney va aller plus loin sur BBC TV le 27 décembre en faisant passer le message à la jeune audience qu'il estime l'usage des drogues inutile, tout comme celui de l'alcool. En tout cas, le groupe va progressivement devenir plus méfiant vis-à-vis de la presse, étant de plus en plus conscient des risques de déformation de leur propos.
Au niveau artistique, la carrière du groupe connaît une ascension de plus en plus forte avec un virage important à partir de 1966, après que le groupe ait décidé d'abandonner les tournées. À la même époque, Paul découvre tout un univers artistique en ébullition, notamment lié aux expériences psychédéliques. Entre mars 1966 et l'automne 1967, le groupe se lance sans réserve dans les expérimentations musicales et sonores et donne naissance à quelques-unes de ses œuvres les plus abouties, des albums Revolver et Sgt Pepper's aux chansons Strawberry Fields ou Eleanor Rigby qui sortent sous forme de single.
À cette époque, le groupe est unanimement salué comme le plus novateur. Les Beatles de cette deuxième phase effectuent un parcours sans faute jusqu'au film Magical Mystery Tour qu'ils réalisent eux-mêmes sur une idée de Paul.
Le 27 décembre 1967, pour la première fois, et malgré l'immense qualité de la bande sonore avec des thèmes comme The fool on the hill et I am the walrus, les Beatles essuient un tir de barrage de la part des critiques qui presque unanimement, jugent négativement ce show diffusé au lendemain de Noël.
D'une certaine façon, ce semi échec termine l'ère progressive/psychédélique et amorce la troisième période du groupe, celle du retour aux sources avec des orchestrations plus resserrées. Il va en sortir une autre série de chefs d'œuvres, comme Hey Jude, Get Back, Something ou Let it Be. Mais l'esprit d'innovation qui a longtemps été associé au groupe n'est plus de mise. John, Paul, George et Ringo sont redevenus une entité réalisant d'excellentes chansons. Les remous qui secouent la planète au printemps de 1968, l'arrivée de Yoko dans la vie de John, les prises de position politiques de ce dernier, la création de la société Apple et les problèmes de gestion qu'elle soulève, ces divers facteurs accentuent les distances entre les quatre garçons et dès la fin de 1968, la rupture est dans l'air.
Avec les idées qu'il assume au niveau politique dans le cadre de son combat pour la paix, et son look avec des cheveux tombant sur les épaules, Lennon apparaît alors comme le Beatle le plus en phase avec la contre-culture américaine. Paul McCartney demeure plus en retrait au niveau médiatique avec pour contrepartie qu'il devient alors le leader des Beatles. Là où, lors des débuts du groupe, Lennon a écrit l'immense majorité des singles, les hits majeurs des trois dernières années des Beatles, sont l'œuvre de Paul : Lady Madonna, Hey Jude, Let it be, oeuvres qu'il écrit pourtant avant 1969, période où son inspiration connaît une forte décrue, notamment due au fait que Lennon a cessé de pratiquer une émulation créatrice avec lui. L'exception essentielle est la chanson Something que signe George Harrison.
À partir des années 70, alors que les Beatles se sont séparés, la scission est devenue plus importante entre John et Paul qui ont été jusqu'à se parler à mots couverts, par chansons interposées. La différence d'approche entre ces deux Beatles est apparue plus importante à la lumière de l'examen rétrospectif des œuvres du groupe. S'il apparaît que les chefs d'œuvres artistiques du groupe ont souvent été l'œuvre de Lennon, Strawberry Fields Forever ou I am the Walrus étant deux exemples d'une telle approche, ce sont les œuvres de Paul qui demeurent les plus populaires.
Sur les 10 chansons des Beatles les plus diffusées par les radios américaines, 8 sont des œuvres écrites par Paul :
et les deux autres de George Harrison :
À cette lumière, Paul apparaît le Beatle auteur de chansons aussi populaires que magnifiques, tandis que John demeure celui dont les œuvres séduisent un public plus exigeant, plus en marge. Cette cohabitation d'un artiste très grand public et d'un autre plus sélectif est peut-être l'une des clés de ce rayonnement aussi vaste.
Une fois séparés, les Beatles n'ont jamais retrouvé leur créativité d'antan. Ils se sont contentés de produire des chansons, d'une qualité parfois excellente (Imagine de Lennon, My Sweet Lord de George, Ebony and Ivory de Paul) mais parfois aussi médiocre.
McCartney a continué de battre quelques records comme celui des ventes de single avec Mull of Kintyre en 1978. Mais jamais les membres individuels n'ont retrouvé une pareille magie, une similaire fougue créative assortie du désir de briser les règles. Il est aussi, si l'on combine sa carrière solo avec celle des Beatles, le chanteur qui a eu le plus de singles n°1 !...
Rétrospectivement, les Beatles ont semblé sidérés de ce qu'ils avaient pu engendré au cours de ces quelques années dorées d'expérience commune.
Plus d'un milliard de disques d'une telle œuvre avaient déjà été vendus vers le milieu des années 90, comme en a témoigné le Guiness Book of Records. Mais les albums du groupe ont continé de se vendre avec une tranquille régularité. Il arrive encore que les Beatles demeurent le groupe réalisant les records de ventes, comme cela a été le cas sur l'année 2000 avec l'album One, n°1 sur cette année là.
De nouvelles générations découvrent régulièrement ces fabuleuses mélodies émaillées d'envoûtantes harmonies vocales et d'année en année, de nouveaux publics demeurent pantois devant les trésors ainsi gravés sur le vinyle par les Fab Four.
"Dans mille ans, les gens écouteront la musique des Beatles comme nous écoutons du Mozart aujourd'hui" a jugé Paul en 1992.
Il est probable qu'il a vu juste.
Quelque chose d'unique s'est produit dans l'histoire de la musique.
Durant une courte période, une révolution esthétique a pris forme. Et l'osmose formée par le concours de ces quatre fabuleux (Fab Four) a donné naissance à quelques perles immortelles, à jamais synonymes de beauté. Des perles que les Remasters sortis le 09 / 09 / 09 ont permis de découvrir sous un nouveau jour...
Extrait du livre Beatles de A à Z