Daniel Ichbiah
Originellement publié dans le livre "Fils de P..." (Fils de président) Ed. L'Opportun - 2010.
Arabella, Rosemary, John John, David... Le destin tragique des enfants du couple présidentiel le plus glamour de l'histoire des USA.
C’est sous la présidence de John Kennedy que les enfants de président sont devenus davantage qu’une simple progéniture. Outils de promotion à part entière, la petite Caroline et son frère John John, entourés de ces cousins et cousines dont ils semblaient inséparables ont été les symboles d’une Amérique qui tournait une page. Glorieuse, détendue, florissante, synonyme de joie de vivre, de plages sablonneuses pour les surfeurs casse cou et de virées sur le bord de l’océan.
Les images de John John et de Caroline dans le bureau Ovale ont participé à l’édification d’une légende, celle du plus mythologique des dirigeants qu’a connu les USA. Plus tard, Bobby, celui qui va tenter de reprendre le flambeau, exhibera lui aussi ses propres enfants lors de sa propre campagne. Comme ils sont jeunes, comme ils sont attendrissants…
Durant les trois années de son règne fugace, John et son épouse Jackie de française origine ont véhiculé l’image d’une contrée de rêve, avec ses Cadillac, ses drinks gazéifiés, ses chewing gums, ses chevauchées fantastiques dans les plaines, son Elvis gominé revenu assagi de la caserne, ses actrices blonde platine…
L’Amérique s’était métamorphosée en un Hollywood géant dont les enfants de présidents jouaient le rôle de figurants, essentiels à la propagation du mythe d’une civilisation modèle. Un pays victorieux qui arborait fièrement son mode de vie, ses valeurs, sa corne d’abordance.
Et pourtant, il n’y avait là qu’un spectacle, un show on the road… Dans les coulisses, la CIA et autres forces obscures étaient à l’œuvre. Au FBI, Edgard Hoover accumulait les clichés compromettants sur les personnages publics pour mieux les mettre au pas. John Kennedy était une proie facile, tant il flirtait allègrement avec Marlene Dietrich comme avec de vulgaires pimbêches. En parallèle, les chefs militaires, épatés par les nouveaux jouets dont ils disposaient, voulaient à tout prix les essayer sur le terrain.
Lorsque le soufflé est retombé, Jackie Kennedy et ses enfants, John John, Caroline mais aussi leurs cousins ont payé cher ce flirt excessif avec l’illusoire.
Au début des années 60, les enfants Kennedy vivent leur propre version de La Mélodie du Bonheur. Inséparables, que ce soit entre frères et sœurs ou avec les autres enfants du clan, ils jouissent d’une existence privilégiée. Beaux, souriants, aussi idylliques en surface que John et Jackie, ils sont constamment ensemble que ce soit sur le bateau ancré au large de la résidence estivale de Hyannis Port dans le Massachusetts - achetée par la grand-mère Rose en 1928 - ou dans l’une des salles de cinéma que possède le grand père, le trouble Joe. Lorsqu’ils apparaissent devant les caméras de la télévision, à l’instar de Papa et Maman, les enfants de John mais aussi ceux de son frère Bobby sont des gravures de mode au naturel, ils sont aussi parfaits que certains personnages de Walt Disney. Qui plus est, jamais l’Amérique n’a connu un aussi beau couple. John est un playboy né, Jackie est la plus glamour des femmes - et la plus admirée du pays. Dans la vieille Europe, on découvre ces images avec ravissement, et bien des jeunes rêvent de migrer vers cette nouvelle terre promise.
Pourtant, dès l’origine, les Kennedy n’ont été qu’une façade, un simulacre, un mensonge maquillé. Celui qui a bâti la légende est le grand-père, le terrible Joseph dit ‘Joe’. Ce fils d’un immigrant d’Irlande a fait fortune avec la spéculation, l’usage illicite d’informations confidentielles sur des entreprises, le cinéma de série B… Il a été jusqu’à importer de l’alcool à Chicago au temps de la prohibition et disposait de ses entrées à la mafia. Etant l’ami de magnats de la presse comme Randolph Hearst, il a été en mesure de manipuler les médias à son avantage.
Chez Joe Kennedy, la perversité financière allait de pair avec un esprit de famille marqué, sans doute aiguillonné par Rose, une catholique convaincue. Vers le début des années 30, il a établi des fonds destinés à rendre ses enfants indépendant financièrement - avec plus de 20 millions de dollars chacun. Tout était prêt pour bâtir une dynastie appelée à dominer l’Amérique.
Si Joe et Rose ont eu cinq filles, c’est avant tout sur les quatre garçons que tous les espoirs ont reposé. Joe leur a enseigné un principe : gagner, coûte que coûte. Dès le plus jeune âge, ils ont été entraînés à la compétition y compris entre eux, à participer à des sports d’endurance, à devenir forts, imbattables.
L’aîné Joe Junior est né en 1915. Il était à l’image de son père, prêt à tout pour réussir, quelqu’en soit le moyen. John Fitzgerald, celui qui va accéder à la présidence des USA est venu au monde en 1917. Assez vite, il s’est révélé que c’était un garçon certes courageux, mais avant tout un coureur de jupons, tenté par la dolce vita.
Bobby (Robert dans le civil) est apparu en 1925. Il va suivre une route différente, celle d’un catholique convaincu et idéaliste. Il a épousé Ethel à la fin des années 40 peu après l’avoir rencontrée et ils auront 11 enfants.
Ted (Edouard) est né en 1932 et va se distinguer par ses positions très ancrées à gauche.
Au plus fort de la crise économique qui a suivi 1929, Joe est devenu l’un des hommes les plus riches des USA. C’est durant les années qui ont suivi que Joe a caressé une nouvelle ambition : devenir président d’Amérique. De fait, il en est venu à réaliser que le vrai pouvoir se situait à Washington. Or, il a appris à user de ses amitiés dans la presse comme dans le monde des investisseurs.
Un ami mutuel l’amène à rencontrer Franklin Roosevelt, un potentiel candidat à la présidence.
Dans la mesure où Joe est en mesure d’aider à financer sa campagne, à lui ouvrir des portes à Wall Street, mais aussi à le faire bénéficier d’une presse positive via son ami Hearst, propriétaire de 33 magazines, une alliance se forme naturellement.
Son ambition demeurant sans borne, Joe entame une carrière politique.
Au sortir de l’élection de Roosevelt en 1933, Joe Kennedy est nommé à la tête de la SEC (Securities and Exchange Commission), une commission officiellement chargée de réguler le marché boursier ! Roosevelt n’est pas dupe et dira à l’un de ses conseillers :
‘Il faut un voleur pour attraper les voleurs’.
Dans la pratique, Joe va exploiter cette position privilégiée pour améliorer encore sa fortune. Il profite de son poste pour réduire à néant ses compétiteurs de tous poils, accusés de maux qu’il a lui-même commis.
Nullement dupe, Roosevelt a appris à se méfier de Joe et il est estime préférable de l’éloigner de Washington. Joe se voit nommé ambassadeur à Londres en 1938. Il est rejoint par son épouse Rose et par ses enfants dont le jeune Bobby qui n’a alors que 13 ans. Les deux aînés font exception : Joe Junior et John Fitzgerald (21 ans) poursuivent alors des études à l’université Harvard, dans le Massuchusetts.
En tant qu’ambassadeur basé à Londres, Joe va commettre une erreur de taille. Dans sa quête pour le pouvoir, il prône la non intervention des USA dans le conflit qui s’annonce avec l’Allemagne et va jusqu’à s’autoriser quelques propos antisémites. Quelles que soient les invasions opérées par Hitler, il prend un malin plaisir à soutenir le chef nazi.
Pas de chance, Joe a misé sur le mauvais cheval. Lorsque Winston Churchill est nommé Premier Ministre britannique en mai 1940 et qu’il proclame haut et fort son intention d’en découdre avec les nazis, Joe Kennedy a la très mauvaise idée de clamer :
La démocratie est morte en Angleterre.’
Désavoué par Roosevelt, hué par les médias, Joe vient de mettre un terme prématuré à sa carrière politique.
Qu’à cela ne tienne. S’il ne peut être président lui-même, l’un de ses fils prendra la relève. Étant l’aîné de la fratrie, Joe Jr, hérite de l’ambition paternelle : devenir président des USA. Au niveau des idées, il sont au diapason : il est tout autant antisémite que son père.
Le premier objectif de Joe est de le faire élire sénateur de l’état du Massachusetts, celui où réside la famille.
Pourtant, si Joe a désormais misé sur son aîné, le destin a un autre agenda. Conflit oblige, les deux aînés se distinguent pareillement sur le front des hostilités. Or, le 12 août 1944, Joe Jr s’est porté volontaire pour une mission de bombardement à bord d’un avion B-24 Liberator. Objectif : détruire un arsenal stratégique de canons de l’armée allemande dans la forteresse de Mimoyecques dans le Pas de Calais. Peu après son décollage, une défaillance électrique fait exploser le vaisseau. À l’âge de 29 ans, il est le premier mâle du clan Kennedy à être effacé du tableau noir.
Comme dans un distributeur à chewing gum, John Fitzgerald, le dragueur invétéré, le dilettante, se retrouve malgré lui poussé en avant. À l’annonce de la disparition de Joe Junior, le nouvel aîné de la fratrie a pressenti la manœuvre et l’a déploré, en se confiant à un ami :
« Je suis sûr que le vieux prépare son prochain coup et qu’il a pensé à moi. »
Chez les enfants de Joe, le pouvoir de choix n’est pas prévu au programme et JFK, résigné, doit apprendre sur le tas le métier de politicien avec ce que cela peut supposer de mensonges et flatteries. Joe trafique les exploits militaires de son fils pour mieux élaborer la légende d’un officier héroïque. Pourtant, John sait dresser les limites : il refuse d’adopter des positions antisémites dans son plaidoyer.
Trois ans après la fin du conflit, un deuxième drame vient s’inscrire dans la sombre histoire des enfants de Joe. Née cinq ans après Joe Jr, Kathleen disparaît le 13 mai 1948. Outrée depuis longtemps par sa conduite peu orthodoxe, sa mère Rose n’assiste pas à l’enterrement.
Par deux fois déjà, Kathleen avait défié le pouvoir parental. En mai 1944, elle avait épousé un homme de confession protestante, William Cavendish. Ce dernier a disparu en septembre de la même année. Par la suite, Kathleen a poussé le bouchon plus loin, entamant une relation avec Peter Wentworth-Fitzwilliam, un homme encore marié. Tous deux sont emportés dans un accident d’avion dans le ciel de l’Ardèche.
Indifférente à sa disparition, Rose a-t-elle été soulagée de voir cette rebelle indigne du tableau de rêve s’effacer d’elle-même ? Non seulement elle n’est pas présente aux funérailles mais elle aurait découragé ses frères et belles-sœurs d’y être présents : seul Joe a assisté à la cérémonie.
En 1953, John, le Don Juan de la fratrie épouse une superbe fille française, Jacqueline Bouvier, aussi belle que smart. Leur premier enfant, Caroline naît le 27 novembre 1957. Assez vite, la petite fille aux cheveux blonds est filmée par les reporters et elle semble aimer cela.
Durant la campagne présidentielle de 1960, Joe opère dans l’ombre, corrigeant les discours de JFK, arrosant les personnes influentes à coup de millions, nouant les alliances qu’il juge opportunes… La fille de Frank Sinatra contera plus tard que son chanteur de père se serait confié à elle de son rôle dans l’élection de JFK. Le crooner serait intervenu auprès d’un ponte de la mafia afin que les syndicats reçoivent pour consigne de voter en faveur de Kennedy lors d’une des primaires cruciales, celle de Virginie-Occidentale. Toujours selon elle, Joe avait pris contact avec Sinatra à cette fin. À la clé : une plus grande tolérance des activités de la cosa nostra à Chicago, une fois JFK élu.
À la fin novembre 1960, John Fitzgerald l’emporte de peu face à Nixon. Il gagne en partie grâce à l’impact d’une nouvelle arme de séduction des foules : la télévision. Face à son adversaire au faciès porcin, JFK fait figure de gendre idéal. Qui plus est, Richard Nixon a été desservi par ses glandes sudoripares : il suait à grosses gouttes durant le débat.
John Kennedy est élu et déjà il marque un record : c’est le plus jeune président de l’Histoire. Le 9 novembre 1960, Caroline se précipite dans la chambre de ses parents pour scander :
‘Good morning, Mister President !’.
John Fitzgerald déclare qu’il va former un nouveau gouvernement et confie aux médias que son épouse attend un nouveau bébé - il s’agit de John John.
Bobby qui n’a pas ménagé sa peine durant la campagne de son frère veut en finir avec la politique et s’octroyer une pause. C’est sans compter avec Joe qui insiste pour le cadet vienne épauler le nouveau président. Bobby a beau arguer qu’il ne connaît rien aux affaires judiciaires, il devra se plier au diktat paternel : il est nommé Ministre de la Justice.
Ted, pour sa part, va devenir Sénateur du Massachusetts en 1962, poste pour lequel il succède à JFK. Dès lors, les trois frères seront aux commandes à divers degrés, du destin de l’Amérique.
John John naît le 25 novembre 1960, peu après l’élection. Il va parfois habiter à la Maison Blanche, une première sur le XXème siècle.
Les rejetons de JFK servent malgré eux à dorer l’image du Président. Les photographies où ils s’amusent dans le bureau ovale font le tour du monde. Caroline se voit demander des autographes dans la rue alors qu’elle ne sait pas encore écrire.
Présidence oblige, JFK et Jackie mais aussi Bobby sont souvent loin du domicile, parfois en visite à l’étranger. Il en résulte que les enfants du clan Kennedy sont élevés par des nourrices, le plus souvent ensemble. C’est tout juste s’ils sont parfois présents, en rangs d’oignon, à la sortie d’un avion, pour assister à la descente triomphale de John. Comme il faut bien assurer leur protection, leurs déplacements sont surveillés par des gardes du corps.
Les caméramans et photographes suivent les pas des petits du clan Kennedy en permanence. Il faut s’y faire : ce sont les enfants les plus mitraillés du monde. Sans le savoir, ils sont devenus les ambassadeurs des États-Unis d’Amérique.
« La présidence fait partie de nos vie, nous ne pouvons y échapper, » dira l’un des cousins de Caroline et John John.
« Pas question de se consacrer à
autre chose »
Jackie participe naturellement à la légende. Quasi irréelle, elle est une sorte de fée hors du temps, toujours gracieuse, éthérée, ravissante et rayonnante quel que soit le moment, l’angle de vue, la circonstance. Comment croire que John puisse tromper une telle perle avec des femmes de mœurs lestes, comme le suggèrent les copains d’école des enfants du clan ?
L'année 1961 est mouvementée. Le 7 avril, JFK connaît sa première grande épreuve. Aiguillonné par les responsables militaires et la CIA, le président a donné son feu vert pour le débarquement de mercenaires à Cuba, censés renverser Fidel Castro. Dans la pratique, l'assaut de la baie des Cochons se révèle un fiasco complet.
Caroline, qui n'a encore que 3 ans et demi, ne réalise pas encore pleinement combien son père s'est fourvoyé. Pourtant, elle est vive et apprend à lire de manière précoce.
Un jour, elle se précipite dans la salle de bains où John est en train de se relaxer et lui tend un exemplaire de Newsweek où son père est en couverture. Le président découvre alors qu'elle ne s'est pas contentée de regarder les images : elle a lu les articles du magazine où l'on parle de lui !
Plutôt inquiets, John et Jackie vont cultiver l'envie de protéger Caroline du monde réel tel que le transcrivent les médias. En vain. Très vite, elle dévore des livres à une vitesse qui surprend son entourage. Sa nourrice Maud en est ébahie et ce d'autant plus que Caroline retient les moindres détails de ce qu'elle a lu.
Si la présence de Bobby à la Maison-Blanche est bien utile pour seconder John, c'est aussi un pur et dur, qui par son extrémisme multiplie les inimitiés en haut lieu, qu'il s'agisse du chef du FBI, des syndicats ou de la mafia. Le 15 juin 1961, il annonce publiquement qu'il déclare la guerre au crime organisé. Le FBI est chargé de mettre sur écoute les chefs de la mafia. Seul souci, Bobby fait désormais peser une menace sur l'ensemble des Kennedy, enfants compris. Les gardes du corps deviennent omniprésents, même s'ils sont présentés aux enfants comme de lointains " oncles ". Des oncles armés d'un revolver ? Voilà qui est tout de même curieux. Lorsque Caroline ou son cousin David s'en interrogent, on leur répond que, comme eux, ils aiment jouer " aux cow-boys et aux Indiens ".
L'année se poursuit, avec son lot de remous. Du 12 au 13 août 1961, la Russie érige le mur de Berlin. De son côté, John Kennedy a fort à faire pour mettre fin aux ségrégations raciales qui sévissent encore et toujours dans le Sud. Il mène là ce qui va demeurer son combat le plus admirable, avec courage.
Le 19 décembre 1961, c'est la famille elle-même qui est frappée. Joe est victime d'une attaque cérébrale. Les petits enfants sont sous le choc. Grand-père ne peut plus parler ! Ils ne savent pas encore qu'il emporte dans son mutisme bien des secrets inavouables.
Constamment suivis par les médias, les enfants Kennedy ne sont plus vraiment des enfants. Ce sont des icônes, des échantillons d'une nation sublimée qui n'existerait normalement que dans les dessins animés, et que relaye la petite lucarne, des cheveux blonds et bruns qui encadrent une insouciance magnifiée. Ils appartiennent à la grande fabrique du rêve. Un jour, tôt ou tard, il leur faudra affronter le moment du réveil.
Plus les mois passent et plus ils semblent réaliser que John ne fait pas un métier comme les autres. Robert Jr, l'un des fils de Bobby, en a un avant-goût lorsqu'il est reçu à la Maison-Blanche par son oncle JFK. Ce dernier a des accents prophétiques :
" Un Kennedy en visite dans sa future demeure ! "
En juin 1962, lorsque John Kennedy se rend à Berlin, les enfants suivent l'événement avec sérieux. Consciente de ce que cette célébrité peut faire peser sur eux, Jackie veille à les emmener le plus souvent possible dans la résidence secondaire qu'ils ont prise en location en Virginie, depuis février 1961.
En octobre 1962, avec la crise des missiles soviétiques à Cuba, JFK est longuement absent du domicile, occupé à régler le sort du monde. Jackie, pour sa part, est partie se réfugier en Virginie avec Caroline et John John, lassée des humiliations qu'elle subit constamment de la part de son époux volage.
L'attitude ferme que JFK adopte sera la grande victoire de son règne. Il rentre au bercail auréolé de la réputation de sauveur de l'Amérique et de la paix. Petit détail : au plus fort de la crise, les enfants ont tout de même dormi dans un abri anti-atomique. Réalisent-ils l'ampleur de la tâche qui repose sur les épaules de JFK ?
Face aux infidélités constantes de JFK, Jackie accuse le coup comme elle le peut. Le 7 août 1963 au matin, sa gouvernante a remarqué que la première dame du pays était bien pâle. Entrée à la clinique, elle accouche prématurément de son troisième enfant Patrick. Deux jours plus tard, l’Amérique apprend que le petit dernier est décédé à 4 heures du matin des suites d’une malformation pulmonaire. En réalité, c'est la deuxième fois que Jackie encaisse un tel revers : déjà en 1956, elle a eu une fille mort-née, qui devait s'appeler Arabella.
Le point étonnant à propos de Arabella Kennedy, est que son nom n'apparaît sur un aucun certificat de naissance. Pourtant, Jackie va continuer par la suite à y faire référence en la nommant Arabella.
La naissance était prévue pour septembre 1956. Pourtant, le 23 août, Jackie avait été sujette à des hémorragies. John Kennedy était alors en croisière en Méditerannée. L'un de ses amis, George Smathers, lui aurait dit :
Tu ferais bien de retourner au plus vite auprès de ton épouse si tu veux jamais prétendre à être Président.
Un an plus tard, la naissance de Caroline avait amenuisé le drame d'Arabella.
Le décès de Patrick serait-il une façon pour Jackie de dire à son mari combien elle souffre de ses infidélités ? En apprenant qu’elle n’aura pas d’autre petit frère, Caroline reste de marbre, comme si elle ne comprenait pas ce qui se passe. JFK, lui est effondré.
Soucieuse de décompresser à sa manière, Jackie accepte l’invitation lancée par le riche armateur grec Onassis de passer deux semaines sur son yacht. Ce n’est que plus tard que ses enfants vont comprendre qu’en Grèce, elle n’a peut-être pas seulement fait acte de tourisme.
Une fois Jackie de retour, JFK se montre plus présent. Il est à ses côtés sur le yacht familial, téléphone régulièrement. Il ira jusqu’à dire à demi-mot à un ami qu’il ne se sent plus intéressé par le sexe facile.
Le 22 novembre 1963, Jackie a prévenu les enfants qu’ils allaient s’absenter pour tout juste deux jours. À leur retour, ils doivent fêter les 6 ans de Caroline et les 3 ans de John John.
La suite est connue. Les images de Dallas vont entrer dans l’Histoire et la disparition du président va susciter mille controverses et suspicions quant à l’instigateur de ce qui apparaît comme une mascarade.
« J’aurais dû me douter que c’était trop demander que de vouloir vieillir à ses côtés, et voir nos enfants grandir, » dira plus tard Jackie.
Une fois l’assassinat perpétré, la question est soulevée : qui va prévenir Caroline et John John ? C’est Maud Shaw, la nourrice, qui écope de cette tâche ingrate. Elle est chargée de leur dire que Patrick s’ennuyait au ciel et qu’il a demandé à John de venir le rejoindre.
Lyndon B. Johnson assume la présidence. Sa toute première lettre, une fois en poste, est adressée à John John pour lui dire :
« Il se passera de nombreuses années avant que tu ne comprennes pleinement combien ton père était un grand homme. »
Comment les enfants de John et de Jackie ont-ils vécu la cérémonie d’adieu retransmise dans le monde entier ? Dans un mélange de chagrin et d’irréel. Jusqu’au bout, les rejetons jouent le rôle qui leur est dévolu : durant quelques secondes, John John effectue le salut militaire devant les caméras, tout en s’essuyant les yeux. Il lui faudra de nombreux mois pour réaliser que son père ne reviendra plus.
« J’avais 8 ans et je croyais encore qu’il n’y avait que les gens faibles qui mouraient » dira l’un des cousins du clan Kennedy.
Tout au long de la brève présidence, Jackie a souvent été préoccupée par la protection des enfants. Après le sinistre épisode de Dallas, cette angoisse redouble. Bobby tente de jouer les pères de substitution et il le fait plus que bien. C’est lui qui apprend à Caroline comme à John John à nager et à skier. Il lui faut également prendre soin de Jackie, qui en dépit de l’épreuve, apparaît toujours aérienne. Consolateur né, Bobby ne la quitte plus et leur relation commence à sembler ambiguë.
Quand Bobby parle de quitter la politique, c’est Jackie qui le remet en selle. L’Amérique a besoin de lui, les enfants ont besoin de l’image qu’il renvoie. En réalité, les petits ont peur. La rumeur est forte comme quoi Oswald n’aurait été qu’un bouc émissaire piloté par la CIA, le FBI ou la mafia. Très vite, il s’avèrera qu’une forte proportion d’américains mettent en doute les conclusions de la Commission Warren, chargée d’enquêter sur la disparition du président.
Peu après la disparition de JFK, Ethel a dit à son mari :
« C’est maintenant notre tour ».
Elle ne croyait pas si bien dire.
En juin 1964, Bobby annonce qu’il brigue le poste de sénateur de New York. De son côté, Ted le benjamin échappe miraculeusement au crash de son avion.
On raconte que Bobby aurait dit :
« Il y a peut-être quelqu’un là haut, qui ne nous aime pas. »
Pour l’heure, Bobby exhibe ses enfants à la foule comme un argument électoral de poids. Il les fait défiler sur la scène, les nomme les uns après les autres sous les cris de la meute. Ils sont acclamés comme des vedettes, soulevés de terre, brandis aux vivats de la foule. Sur commande, ils interprètent ‘Jingle Bells’. Inquiets, ils voient leur père distribuer les poignées de main au milieu de la marée humaine.
Il semble que la parade soit appelée à continuer. Les enfants du clan Kennedy continuent de vivre dans une illusion sur celluloïd, celle d’une famille forte, que rien ne peut abattre, insensible aux revers du destin. Pourtant, quelque chose commence à se lézarder. En grandissant, Caroline et John John sont devenus graves, introvertis, ce qui les différencie des enfants de Bobby et autres cousins, dont l’humeur demeure légère.
Hasard ou coïncidence, Jackie s’installe à New York sur la 5ème Avenue, ce qui la rapproche des enfants de Bobby, mais aussi de leur père. Au fil des semaines, il apparaît qu’une liaison amoureuse se serait développée. Bobby la raccompagne le soir et le matin, il est encore là. Nullement dupes, les enfants comprennent à demi mot ce qui se déroule : J. Edgar Hoover, le patron du FBI nourrit volontiers la presse des écarts de Bobby, tout comme il l’a fait jadis pour John. Peu à peu, le mythe d’une famille modèle se disloque. La débâcle se profile à l’horizon.
Lorsque Bobby se présente à la présidentielle, Jackie prend peur. Elle estime qu’ils sont tous menacés. Inquiète, elle s’envole pour l’Europe avec ses enfants et se rapproche de l’armateur Onassis, loin de cette Amérique où l’on est capable de tuer un président.
En réalité, tous les enfants du clan vivent désormais dans la crainte, et cela vaut pour ceux de Bobby comme ceux de John. Cette frayeur est étrangement vécue. Bobby, comme John jadis, étant désormais souvent loin du foyer, ses rejetons tendent à devenir insupportables, presque marginaux. Il arrive qu’entre eux, ils se disputent le label de savoir qui est le plus Kennedy du lot. Est-ce l’époque qui tourne peu à peu en réaction contre l’establishment qui les entraîne dans le flot de la contestation ? Ils se métamorphosent en adeptes de la petite délinquance, au grand dam de leurs nourrices, dépassées par les événements. L’une de leurs frasques consiste à ramasser du sable sur la plage et à le vendre comme ‘sable des Kennedy’.
Rien ne semble arrêter les cousins. Il arrive qu’ils balancent des pierres sur les vitrines de magasin, sabotent des bateaux ancrés au port, organisent des messes noires… L’un des enfants fait croire à un automobiliste qu’il vient de tuer son frère et clame ‘on a encore tué un Kennedy !’. L’une des filles du clan fait des fugues à répétition.
Quelques semaines après Martin Luther King, le 5 juin 1968, quelques heures seulement après avoir remporté les primaires démocrates en Californie, Bobby Kennedy est assassiné par un immigré syrien Sirhan Sirhan. Les soupçons s’intensifient : comment ne pas supposer que le desaxé ait pu agir sous les instructions de ceux qui ne souhaitaient aucunement que soit rouvert le dossier de la commission Warren.
Désormais, Ted se retrouve le seul fils de Joe et de Rose encore en vie, mais ce sénateur très marqué à gauche n'a aucunement le charisme de ses aînés.
Redoublant d’inquiétude, Jackie quitte définitivement New York. En octobre 1968, à l’âge de 39 ans, elle épouse Aristote Onassis, au risque d’indigner les Kennedy mais aussi l’Amérique profonde. Ses enfants John John et Caroline vivent en Grèce, à ses côtés.
De l’autre côté de l’Atlantique, la fin de Bobby précipite ses enfants dans le déclin. Quelque chose semble se désagréger.
« Il n’y aura plus de football avec lui, plus de voile, plus de cheval… » écrit David le blondinet fragile qui apparaît le plus morfondu.
À la Maison Blanche, c’est un président rebutant qui a pris le pouvoir, Nixon, que la jeunesse rejette en majorité. Il est aux antipodes de ce que les Kennedy ont pu représenter. Avec le physique d’un gérant de tripot, il fait redouter le pire et va s’asteindre à intensifier les raids sur le Vietnam.
Le 18 juillet 1969, Ted Kennedy compromet sérieusement ses chances de prendre un jour la relève. Au sortir d’une soirée arrosée sur l'île de Chappaquiddick (Massachussetts), il raccompagne sa collaboratrice, Mary Jo Kopechne. Soudain, sur un pont, il perd le contrôle de son Oldsmobile et la voiture plonge dans l'eau. Il parvient à se dégager et tente de sauver sa passagère, mais il est trop tard. Sonné, Ted attend une dizaine d’heures avant de prévenir la police. Dès lors, sa route vers la présidence est à jamais compromise.
En novembre 1969, Joe passe de vie à trépas. Un dernier symbole est rayé de la carte. Pourtant, sa disparition ouvre la porte aux révélations. Et ce que le clan découvre frise souvent avec l’abject. La fortune des Kennedy a été bâtie sur le mensonge et des pratiques niant toute éthique.
Au début du siècle, en 1912, le père de Joe lui avait décroché un emploi dans une banque d’état de Boston. L’indiscret avait alors eu accès à maintes informations confidentielles sur des entreprises de la ville. C’est là qu’il a développé sa première stratégie : sachant quelles sociétés étaient en péril, il participait à leur chute en Bourse puis les rachetait pour une poignée de pain. L’une de ses acquisitions avait ét une société d’investissement. Joe a développé une autre spécialité : racheter les domiciles sous hypothèque demeurés impayés, les retaper pour les revendre au prix fort.
En juin 1914, il a épousé Rose Fitzerald, fille du maire de Boston, John Fitzgerald. Trois ans plus tard, son beau-père lui a assuré un poste de direction dans une société de construction navale, lui évitant ainsi la conscription obligatoire.
Dès cette époque, Joe a lié une amitié intéressée avec des magnats de la presse, et ainsi récolté des articles élogieux sur sa réussite éclair en tant que jeune président de banques comme la Columbia Trust - que possède son père.
Une fois la guerre terminée, le beau-père de Joe lui a trouvé un job dans une firme de courtage. Il a repris son activité de spéculation, amassant peu à peu une fortune en exploitant là encore des informations de l’intérieur que lui fournissait un complice de la société de courtage.
Le 29 janvier 1919, lorsque la Prohibition a été décrétée, Joe a entrevu une belle opportunité de bénéfices : l’importation illicite de substances alcoolisées. Vers le milieu des années 20, sa fortune s’élevait à 2 millions de dollars et il a alors diversifié ses sources de profit en acquiérant 21 salles de cinéma, puis en se lançant dans la production de films de série B. Il a également racheté KAO, une chaîne de 700 cinémas, soit un potentiel de 2 millions de spectateurs par jour. À Hollywood, en 1928, tandis que Rose demeurait à Boston, Joe avait démarré une relation amoureuse avec la star Gloria Swanson. Sa liaison était si intense qu’il en a négligé de venir assister aux funérailles de son père, en mai 1929.
La crise de 1929 a été une aubaine pour Joe qui avait vu le vent venir et a liquidé ses investissements à long terme peu avant le Mardi Noir. En manipulant le marché, il a bâti une fortune dépassant les 100 millions de dollars. En attendant la fin officielle de la Prohibition, Joe stockait d’immenses cargaisons d’alcool, présentées comme des ‘médicaments’.
D’autres révélations viennent tacher la saga familiale comme l’enrichissement de Joe consécutif à la crise de 1929, ses amitiés troubles avec des magnats de la presse, l’antisémitisme qu’il professait ouvertement…
Il apparaît aussi qu’au début des années 50, Joe a soutenu hardiment un homme à présent, méprisé du plus grand nombre : le sénateur McCarthy, celui qui s’est illustré dans la chasse aux sorcières. Ils étaient si proches que McCarthy a assisté au mariage d’Eunice, l’une des filles de Joe.
Même Bobby l’immaculé Bobby ne sort pas indemne des révélations. En décembre 1952, Joe lui avait obtenu un job dans un comité gouvernemental d’opérations anti-communistes. Bobby, alors âgé de 27 ans semblait alors convaincu que McCarthy effectuait un sale job néanmoins nécessaire.
N’a-t-il pas dit à des reporters :
« Les méthodes de MaCarthy peuvent sembler rudes mais après tout son rôle est d’exposer au grand jour les communistes présents au gouvernement. C’est un but qui en vaut la peine. Alors pourquoi est-ce que vous, les journalistes, vous montrez si critiques de ses méthodes ? »
John Fitzerald Kennedy n’a pas été en reste. Le 2 décembre 1954, lorsque le Sénat a désavoué McCarthy, JFK, alors sénateur du Massachussets s’est abstenu de voter.
Cette position lui a d’ailleurs coûté d’être nominé à la vice-présidence en 1956.
« Je me demande ce qui a pu pousser grand-père à nous pousser en avant avec tant d’opiniâtreté, pour finalement nous précipiter dans une telle tragédie, » dira l’un des enfants du clan Kennedy.
Dans un premier temps, Robert Junior l’un des enfants de Bobby a assumé le rôle de père pour ses frères et sœurs, mais il en entame bientôt une chute sans rémission dans laquelle il les entraîne un à un.
Inconsolable, Ethel est devenue peu à peu odieuse, ce qui n’arrange rien. Ne supportant plus ses rejetons, elle les laisse dégénérer. Or, la contre culture est en train de gagner du terrain et les enfants Kennedy sont happés par la vague. Ils sont nombreux à sombrer dans la drogue, Robert Junior, celui sur lequel étaient placé tous les espoirs montre l’exemple en la matière.
Il ira jusqu’à inciter David à prendre du LSD.
« Il n’y avait plus aucune raison de rechercher à être de bons garçons. On pouvait devenir des vauriens, » dira l’un des cousins.
L’un des crimes les plus odieux commis par Joe a eu lieu en 1941, même s’il est longtemps demeuré secret.
Si la tante Rosemary n’a pas figuré dans le tableau royal que l’on montrait en exemple aux enfants de John et de Bobby, c’est parce que Joe ne pouvait supporter que cette fille porteuse de scandale puisse gâcher les chances de succès de Joe Junior, alors l’étalon familial vers la présidence.
La tante Rosemary était née un an après John Fitzgerald. D’une grande beauté, pimpante et guillerette, elle adorait danser, aguichant garçon sur garçon. En revanche, elle était lente à l’école.
Consciente de ne pouvoir rivaliser avec ses frères dans l’esprit de compétition familial, elle a semblé déçue de ne
pouvoir correspondre au modèle érigé par Joe et a écrit ces mots :
« Je déteste l’idée de te décevoir. Je ferais n’importe quoi pour te rendre heureux. »
À l’âge de 21 ans, sa situation mentale s’était détérioriée : elle était sujette à des crises de colères et il lui arrivait de s’absenter la nuit, errant dans les rues. Pour Joe, le problème se résumait ainsi : il aurait suffi qu’elle tombe enceinte pour que cela puisse compromettre la carrière de Joe Junior.
En 1941, Rosemary a été placée dans la clinique psychiatrique St. Elizabeth's Hospital à Washington où elle a subi une lobotomie. Le docteur Freeman et son collège Watts ont introduit une pointe métallique sous la paupière de cette jeune femme de 24 ans afin de sectionner les fibres nerveuses du cerveau. Une fois l’opération achevée, elle est demeurée sans voix, paralysée à vie, telle un légume. Elle a alors été recluse dans un couvent.
Durant une vingtaine d’années, Joe et Rose ont tenté de faire avaler au reste de la famille que Rosemary était devenue nonne, suite à une vocation religieuse.
Lorsque les enfants de John comme de Bobby apprennent la vérité, le choc est immense et contribue à la déstabilisation de certains d’entre eux.
Le sort subi par Rosemary, cette gêneuse qui risquait de déparer le tableau, commence à peser lourd dans les mémoires.
« Même si la famille doit un jour m’éliminer de la photo, je ne serais jamais comme mon père, un Kennedy comme il faut, » confie David.
Vers le début des années 80, David ira jusqu’à écrire ces mots :
« Si grand père n’était pas mort, ce qui est arrivé à Rosemary me serait arrivé aussi. Elle était un obstacle. Je suis un obstacle et comme elle, on m’aurait effacé de la photo. »
Un à un les symboles s’écroulent...
En 1973, Joseph Patrick, l'aîné de Bobby et Ethel, renverse la jeep qu'il conduisait. Si son frère David écope d'une fracture d'une vertèbre, sa petite amie Pamela en sort paralysée.
En août 1975, l'éditeur Larry Flint publie des photos pour le moins sacrilèges aux yeux du clan. On y voit Jackie Kennedy intégralement nue, debout sur une plage privée de Skorpios. Les clichés ont été pris durant l'année 1971 par un paparazzi.
En 1980, Ted Kennedy brigue l'investiture démocrate mais échoue face à Jimmy Carter. Sa carrière a été desservie par l'alcoolisme de sa femme.
Trois ans plus tard, Robert Jr est arrêté à l'aéroport de South Dakota en possession de 182 milligrammes d'héroïne. Il écope de deux années de mise à l'épreuve.
En avril 1984, David est le premier des enfants Kennedy à tirer sa révérence. Pour l'occasion, les membres de cette génération perdue se réunissent dans la propriété familiale de Hickory Hill, en Virginie, pour pleurer cet albatros aux ailes brisées. Si la surconsommation de drogues l'a affaibli, son séjour forcé dans l'enfer d'une clinique psychiatrique l'a achevé. Quid des enfants de John et de Jacqueline, John John et Caroline ? Ils ont plutôt bien tiré leur épingle du jeu. Pourtant, le drame a frappé le premier.
John John a pâti de la protection dont il faisait l'objet en permanence. Lorsqu'il quitte le couple Onassis pour entrer dans une école privée à New York, il clame " Enfin libre ! " Oui, mais pas trop. Il demeure surveillé par des gardes du corps et chassé par les paparazzis.
En 1980, bien qu'il soit âgé de plus de 20 ans, John John continue de subir la pression familiale. Lorsqu'il annonce son intention de faire une carrière d'acteur, Jackie explique clairement qu'il n'en est aucunement question : il risquerait de gâcher l'héritage moral de son père en s'abaissant à une telle activité. Ce jour-là, John John aurait tapé si fort que son poing aurait traversé le mur. Il n'en a pas moins accepté le veto de Jackie.
Lors de son séjour dans l'université Brown, John John a fait preuve d'une tendance peu commune à prendre toutes sortes de risques. Sa mère l'a obligé à abandonner ses cours de vol. Qu'importe : il s'est adonné au parapente, au parachutisme, au kayak, à la plongée en eaux profondes.
Une fois diplômé d'Histoire de la Brown University, en 1983, John John fréquente l'école de droit de New York University mais va échouer trois fois à l'examen. Il n'empêche. Le fils de John Kennedy est devenu sacrément beau garçon. En 1984, il démarre une liaison avec l'actrice Darryl Hannah, ce qui provoque, une fois de plus, l'ire de Jackie.
Au cours d'une soirée à New York à l'automne 1987, Madonna se sent attirée par ce bel homme dont le seul nom est synonyme de prestige. Avant de quitter la soirée, John John lui glisse les clés de son appartement personnel. Un soir, alors qu'il rentre à son domicile, il trouve Madonna allongée sur le sofa. Une liaison démarre entre celle qui est alors l'épouse de Sean Penn et John John. Madonna jubile à l'idée de côtoyer le fils de l'homme qui a jadis eu une liaison avec Marilyn.
Ce que John John a d'abord envisagé comme une simple aventure prend des proportions inattendues car il est en train de tomber amoureux. Or, Jackie Kennedy n'est pas prête à accepter que John John entretienne une liaison avec une chanteuse dont l'image est frivole, de surcroît une femme mariée. L'ex-première dame des États-Unis s'oppose fermement à ce que leurs rapports prennent de l'ampleur.
Le 3 mai, Madonna se retrouve sur les planches, au Royale Theater de New York. Dans l'assistance se trouve Jackie Kennedy. À la fin de la représentation, Madonna attend en vain que Jackie vienne la voir dans sa loge. Elle se refuse à lui accorder un tel honneur. Peu à peu la relation avec John John s'étiole.
Le point de rupture intervient vers le début de l'été. Le fils du président Kennedy a confié à Madonna un détail personnel et a, par la suite, retrouvé ce fait dans la presse. Il s'est emporté contre la chanteuse, accusée d'avoir vendu la mèche, et s'est refusé à apporter crédit à ses dénégations.
Au niveau national, John John dispose d'une aura presque magnétique. En 1988, il est présent à la Convention démocrate pour introduire au public son "oncle Ted ", le sénateur du Massachusetts. En septembre 1988, le magazine People le met en couverture avec cette accroche : " L'homme le plus sexy de la Terre. "
L'année 1991 n'est pas tendre pour le clan. William Kennedy Smith, l'un des petits-enfants de Joe et Rose, est accusé de viol sur une jeune femme dans la propriété des Kennedy. Au cours de la même année, John John le casse-cou frôle la mort lors d'une virée entre amis en kayak dans la mer Baltique, entre la Suède et la Finlande. Après avoir vu le vent dérober sa pagaie et fait chavirer deux kayaks. Quand bien même il a consciemment évité d'emporter un gilet de sauvetage, John John continue de plus belle.
" Nous avons eu ce que nous étions venus chercher : quelques rires, des frissons et des histoires à raconter ", dira-t-il simplement.
Nombreux sont ceux qui spéculent sur le fait que John John pourrait être tenté, lui aussi, par le pouvoir. Pourtant, il préfère œuvrer dans un cabinet d'avocats de Manhattan. Il en démissionne en 1993. Pour faire de la politique ? Oh non…. Il crée la surprise en déclarant :
" J'aimerais un jour être président… "
Après une pause, il ajoute alors :
Jackie Kennedy Onassis s'éteint le 19 mai 1994. Peu avant de quitter ce monde, elle a écrit à John John :
" Toi, tout particulièrement, tu as une place dans l'Histoire. "
Dans la pratique, il semble que le temps des restrictions appartienne désormais au passé. Immédiatement, John John reprend ses leçons de pilotage. Malgré les suppliques de sa sœur, Caroline, il poursuit sa formation jusqu'à devenir un pilote.
Durant l'année 1995, alors que Rose vient de s'éteindre, le fils du président devient le rédacteur en chef d'un magazine branché qu'il fonde, appelé George. D'une certaine façon, il marche sur les traces de son père dont le journalisme était la première ambition. Puis, le 21 septembre 1996, John John épouse Carolyn Bessetts, et celle-ci va à son tour tenter de le décourager de son addiction au pilotage d'avion. En vain.
Un jour de juillet 1999, ne le voyant pas revenir, Ted Kennedy appelle l'appartement de New York où résident John et Carolyn. Le 21, l'avion de John John est remonté du fond des eaux de l'Atlantique. John John a disparu cinq jours plus tôt, à l'âge de 38 ans, dans le crash de son avion, le Piper Saratoga II, dans l'océan Atlantique. Il avait à ses côtés son épouse et la sœur de celle-ci. L'enquête ne montrera aucune défaillance technique de l'avion et conclura à une perte d'orientation du pilote.
Lors de la mise en terre de son frère, Caroline lira un extrait d'une pièce de Shakespeare avec ces mots :
" Nous sommes de cette substance dont on fait les rêves. "
Le 1er janvier 1998, on apprend que Michael, l'un des fils de Bobby, n'a pas survécu à un accident de ski. Il était âgé de 39 ans.
Quid de la tante Rosemary ? Si le crime commis par Joe est demeuré comme une tache sur l'histoire de la famille, les petits-enfants n'ont aucunement voulu assumer cette tante hors norme. Rosemary va demeurer cloîtrée jusqu'à sa disparition, en 2005. Elle sera enterrée à l'écart des autres membres de la famille, sans mention spécifique de son appartenance à la famille Kennedy.
Seule une femme a tiré son épingle du jeu de manière tranquille. Caroline, la fille aînée de JFK et de Jackie. Épouse de l'artiste Schlossberg depuis 1986, elle a survécu à toutes les épreuves traversées par la famille, se tenant à l'écart des mondanités.
Diplômée des beaux-arts, elle a d'abord suivi une formation chez Sotheby's. Puis, de 1980 à 1985, elle a travaillé à la production de films documentaires au MoMA de New York. Plus tard, elle est devenue la présidente de la John F. Kennedy Library et s'est mise à organiser des expositions dédiées à la mémoire de son père.
En 2008, pour la première fois, Caroline est sortie de sa réserve au niveau politique pour soutenir le candidat du camp démocrate, Obama. Cinq ans plus tard, ce dernier l'a nommée ambassadrice des États-Unis au Japon. Élégante et encore belle à 55 ans, elle a réalisé l'exploit de n'attirer pour l'essentiel que des louanges sur son nom.
Tel a été le destin des Kennedy… Le film était trop glamour, trop lisse, trop irréel.
Seconds rôles de ce feuilleton idyllique imaginé par un Méphistophélès moderne, les enfants du clan ont payé le prix fort lorsqu'est venue l'heure de la désillusion.
Les photographies présentes sur cette page proviennent des collections de la Maison Blanche ou du John F. Kennedy Presidential Library and Museum. Toutes ces photographies sont consultables en ligne sur les sites de ces deux institutions. Quelques rares clichés proviennent de Wikimedia Commons. Tous les crédits de source sont explicitement indiqués.
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Initialement publiée dans le livre Fils de P... (Fils de Président), cette histoire a été reproduite dans le livre De Kennedy à Madonna - 17 destinées exceptionnelles - Daniel Ichbiah (2017)