Biographie de Bill Gates - extrait

Daniel Ichbiah
Biographie de Bill Gates écrite par Daniel Ichbiah

Extrait du chapitre 7 - Le projet le plus insolite d'IBM

Extrait du livre 'Bill Gates et la saga de Microsoft' la biographie de Bill Gates écrite par Daniel Ichbiah

 

Quelle que soit l'opinion entretenue à propos d'IBM, force est de reconnaître que le géant de l'informatique a parfois fait preuve d'une étonnante capacité à se remettre en question, osant s'aventurer sur des territoires inexplorés. La compagnie a pratiqué de telles incursions à sa façon.

Au sein de la multinationale, le conservatisme est érigé au rang de vertu suprême. La clientèle traditionnelle du Grand Bleu affectionne ce trait et assimile le nom d'IBM au charme discret et tranquille de la bourgeoisie. Pourtant, la même compagnie se tient à l'écoute des évolutions du secteur et peut, du fait de sa taille - elle emploie des centaines de milliers d'individus - se permettre des recherches avancées dans des secteurs de pointe.

Au début des années 80, la force du géant a été de pressentir qu'un important phénomène était en train d'émerger : la micro-informatique...

 

Les sociétés qui fabriquent ces "jouets", Apple, Tandy et consorts génèrent un chiffre d'affaire dérisoire : une centaine de millions de dollars tout au plus. Une bagatelle en comparaison du revenu annuel du n°1 de l'informatique : 28 milliards de dollars. Toutefois, un facteur laisse à penser qu'il faut s'intéresser à ce nouveau secteur : la croissance du marché des micro-ordinateurs est proche de 70% par an.

Frank Cary, président d'IBM juge qu'à terme, si la tendance se confirme, il sera possible de tirer des profits considérables de ces petites machines. A tout prendre, la question mérite réflexion : plusieurs comités sont formés afin d'étudier la possibilité d'une ingérence dans le secteur de l'ordinateur personnel.

La légende veut que l'un des groupes de travail ait proposé à Frank Cary de racheter la firme Atari. Au cours de la présentation, le président a posé une question clé :

- Est ce que Atari est le meilleur?

- Non.

- Qui est le meilleur?

- Apple.

- Pour quelles raisons IBM ne devrait pas avoir ce qu'il y a de mieux?

Apple n'étant pas à vendre, cette suggestion en était restée là.

Quelques mois plus tard, Frank Cary cède la place à un nouveau président. Individu ouvert, John Opel est décidé à tirer les leçons du passé et atténuer l'image de la grande compagnie refermée sur elle-même. Il se déclare en faveur de rapprochements avec des partenaires extérieurs et d'accords de collaborations en tous genres. La compagnie vit encore sous la menace des poursuites antitrust intentées aux temps de l'administration Nixon.

 

 

En matière de micro-ordinateurs, plusieurs courants d'opinions militent en faveur d'une création en interne. Pourtant, Opel se laisse séduire par le rapport que lui fournit Bill Lowe, responsable des produits d'entrée de gamme, en juillet 1980.

Selon Bill Lowe, de même que l'éléphant n'est pas doué pour danser les claquettes, amener IBM à produire un micro-ordinateur semble une tâche contre nature.

Si un tel développement est traité en interne, selon les normes de la maison, il faudra environ quatre ans pour qu'il parvienne à terme. Or, le secteur de la micro-informatique évolue à un rythme extrêmement vif.


 

Trois ans séparent l'Altair, produit amateur d'un ordinateur tel que l'Apple 2 ayant su rencontrer les faveurs du public.

Lowe recommande donc de créer une unité spéciale et de l'affranchir totalement des pesanteurs administratives propres à une grande compagnie. L'équipe intégrera ses propres développeurs, commerciaux et hommes de marketing. Elle aura carte blanche pour opérer à sa guise. Lowe invite à s'écarter des sentiers battus : le comité devra définir le PC en s'appuyant sur des fournisseurs extérieurs pour les composants et le logiciel. IBM se contentera d'apposer son sigle sur le produit final.

John Opel acquiesce aux propositions de Bill Lowe. Mais il y ajoute une contrainte : le  micro-ordinateur d'IBM doit être prêt dans un an, jour pour jour !


Bill Lowe, l'homme qui est à l'origine du projet IBM PC
   Bill Lowe

Relativement secoué par l'injonction du président, Lowe s'attelle à constituer au plus vite l'équipe chargée de mener à bien le projet et dont le nom de code devient comité Chess.

Il choisit de réunir des personnalités individualistes, se distinguant du moule ambiant par une relative extravagance.

Ces traits de caractères, ordinairement dépréciés au sein de la conservatrice maison, sont perçus comme un atout dans le cadre du projet.


Les douze membres du comité Chess sont regroupés en Floride dans le centre de recherche de Boca Raton.  Le groupe est dirigé par un quinquagénaire du nom de Jack Sams. Lowe lui explique que sa mission démarre immédiatement : il dispose d'un mois pour définir les spécifications du micro-ordinateur d'IBM.

Sams et ses acolytes, en dépit du fait qu'ils appartiennent à l'une des plus grandes multinationales de la planète font preuve d'humilité et décide de prendre modèle sur les sociétés de micro-informatique.

La stratégie suivie par le leader du domaine, Apple apparaît sensée. La société a créé un ordinateur ouvert à des extensions, ce que les utilisateurs semblent apprécier : ils sont en mesure de faire évoluer à loisir l'Apple 2 en lui ajoutant des cartes.

Steve Jobs et ses acolytes ont fait en sorte  d'encourager le développement de logiciels par des éditeurs indépendants ce qui a doté la machine d'une gamme alléchante.

Steve Jobs vers 1977

Le comité Chess estime qu'il faut reproduire la démarche qui a porté Apple au sommet. L'étude des machines en vogue -  l'Apple 2, le Pet de Commodore, le TRS-80 de Tandy... - fait ressortir deux caractéristiques au niveau du logiciel :

Un matin de juillet, Bill Gates reçoit un appel qui ne manque pas de le surprendre. Au bout du fil, Jack Sams explique qu'il désire lui rendre visite prochainement afin de parler d'un développement potentiel.

Gates, impressionné, se précipite dans le bureau de Steve Ballmer pour lui faire part de la nouvelle. Qui sait ? IBM est peut-être intéressée par leur BASIC !

 

Quelques jours plus tard, Jack Sams et deux autres membres du comité Chess débarquent au siège de Microsoft à Bellevue.

Bill Gates et Paul Allen vers 1980

Gates, Allen et Ballmer se sont mis sur leur 31 en prévision de la réunion : le costume et la cravate sont de rigueur.

Toutefois, les visiteurs de Floride ne manquent pas d'être surpris par la jeunesse du président qui les reçoit.

S'il est âgé de 24 ans, il ne semble pas avoir atteint sa maturité.


Avant toutes choses, Gates, Allen et Ballmer se voient demander de signer un document légal selon lequel ils s'engagent à respecter le caractère confidentiel de tout ce qu'ils pourront voir au cours de la réunion. Le texte stipule par ailleurs que Microsoft ne pourra jamais tenter un recours en justice contre IBM dans le futur. Les jeunes gens signent sans hésiter, pressés d'en savoir plus.

Au cours de la réunion, les hommes en bleu posent toutes sortes de questions sur les ordinateurs personnels et les langages développés par Microsoft. Ils se montrent étonnement discrets relativement à leurs intentions : officiellement, ils effectuent une étude de marché.

"Ne vous montez pas la tête et n'allez pas penser que nous cherchons à aller plus loin" explique Sams.

Au fil de la conversation, il se laisse aller à un embryon de confidence.

"Nous avons l'intention de faire une proposition à notre direction. Normalement, ils devraient la refuser, mais on ne sait jamais."

Il demande alors à Gates d'expliquer comment opère Microsoft lorsqu'il s'agit de développer les logiciels d'un micro-ordinateur. Au moment de partir, il conclue de façon laconique.

"Ne nous appelez pas; nous vous contacterons."

Une chose est sûre : les hommes de Boca Raton ne sont plus du tout préoccupés par la jeunesse de Bill. Dans le rapport qu'il remet à Bill Lowe, Sams fait l'éloge du président de Microsoft : il fait preuve d'une compétence hors pair dans son domaine de prédilection.

Allen, Gates et Ballmer demeurent perplexes face à l'attitude feutrée et prudente de ces visiteurs qui semblent surgir d'un autre monde. Ils ont l'habitude de traiter avec les représentants de compagnies de micro-informatique, une industrie au sein de laquelle les contacts sont très directs.

Quelques semaines plus tard, Jack Sams appelle à nouveau et demande qu'une deuxième réunion soit organisée au plus vite. Gates propose de le recevoir dès la semaine suivante.

"Nous voulons vous rencontrer dès demain." répond son interlocuteur.

Bill annule aussitôt un rendez-vous pris avec Ray Kassar, le président d'Atari : IBM n'est-il pas le plus grand de tous les constructeurs ?

 

La séance démarre par le rituel de la signature des documents légaux. Sams explique la raison de leur venue : il a l'intention de demander à Gates d'agir comme consultant.

"Cela concerne la chose la plus inhabituelle jamais réalisée par la compagnie".

 

Bill n'est pas loin de penser que Microsoft est également en train de vivre l'épisode le plus insolite de son existence.

Sams dévoile les éléments du singulier projet.

Il s'agit de mettre sur le marché un micro-ordinateur d'IBM alors, désigné sous le nom de code Acorn...

(...)

 

Bill Gates et la Saga de Microsoft

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biographie de  Bill Gates

Daniel Ichbiah est également l'auteur de la biographie de Steve Jobs

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